Publié le 02.01.2023

Janvier 2023

Le dialogue SRS vu par Christophe Prochasson

Chaque mois, une actrice ou un acteur du dialogue entre sciences, recherche et société (SRS) en propose sa définition. Ce mois-ci, la parole est donnée à Christophe Prochasson, directeur d’études de l’École des hautes études en sciences sociales.

Pour moi, le dialogue entre sciences, recherche et société vise tout à la fois à mettre à la disposition du plus grand nombre les résultats de la recherche contemporaine et à exposer la façon dont ces résultats sont obtenus, à mettre en scène le travail des chercheurs.

Christophe Prochasson

Cet objectif dispose d’une teneur particulière pour les savoirs qui relèvent de la planète des sciences humaines et sociales. Les chercheurs qui travaillent dans ces disciplines entretiennent avec le monde social des liens plus immédiats que leurs collègues d’autres sciences. Cette position singulière n’est pas sans drainer des malentendus qu’il est important de dissiper. Plus sensibles aux effets d’opinion, plus menacées par des interventions extérieures, de toutes natures, elles véhiculent des savoirs qui vont souvent à l’encontre des idées reçues.

Répondre aux défis que soulève une telle situation est au cœur du travail que l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) a engagé sur son campus de la Vieille Charité en prenant l’initiative de la création d’un festival, « Allez savoir ! », organisé en partenariat avec la municipalité de Marseille. Depuis 2019, chaque année, sur un thème précis (nature, migrations, temps et, en septembre 2023, utopie), les chercheurs mobilisés se plient à des règles d’une communication scientifique dont ils ne sont pas toujours familiers car elle est destinée aux publics les plus larges. Aux traditionnelles conférences, expositions et tables rondes s’ajoutent jeux, spectacles, conférences gesticulées, balades commentées, rencontres au musée, projections-débats, ateliers scolaires, randonnées en bibliothèques, etc. Par un contact direct avec un public peu habitué à fréquenter « d’aussi près » des chercheurs souvent connus, la science se met à nu. Elle dévoile ses petits secrets de fabrication. Elle met au jour ses protocoles, ses méthodes mais aussi ses limites. La réflexivité n’est pas un vain mot. Elle vient briser l’arrogance que l’on reproche parfois aux savants en un moment où le doute général et le scepticisme n’épargnent pas le monde scientifique.

Tout en maintenant l’exigence scientifique à son plus haut niveau, s’en prenant aux lieux communs, renversant les certitudes, contestant les termes dans lesquels les débats se formulent au quotidien, l’engagement des savants dans ce travail de communication s’efforce de réparer une confiance mise à mal dans la nouvelle économie de la connaissance régissant nos sociétés. C’est en tout cas l’espoir qui anime celles et ceux qui travaillent à rapprocher science et société.

Auteur(s)

  • Directeur d’études de l’École des hautes études en sciences sociales